Aujourd’hui, nous partons visiter une des township, celle de Langa (250 000 habitants). Nous devons, pour cela, passer par une agence de voyage et être accompagnées. La définition du terme de township, en Afrique du Sud, réfère aux zones urbaines souvent pauvres et sous-équipées qui ont été réservées aux non-blancs, principalement des noirs et des coloureds mais aussi des travailleurs indiens, qui y ont été déplacés souvent de force à cause des lois de l’apartheid. Elles ont généralement été construites, entre la fin du XIXe siècle jusqu’à la fin de l’apartheid, en périphérie des villes, sur des terrains vagues disponibles sans aucune infrastructure ni aucun service urbain. Toutes ces “maisons” sont amassées sur d’anciens terrains vagues sur plus de 20 km le long de l’autoroute, ou de la route de l’aéroport. Chiffre incroyable, 80% de la population de Cape Town habite dans ces townships, qui abritent quasiment 100% de la population noire… 




Une fois arrivées à Langa, nous sommes prises en charge par un autre guide (un habitant de cette township), lequel nous raconte la vie de tous les jours. Il nous fait visiter un appartement dans un petit immeuble. Un « appartement » est un bien grand mot, c’est le reflet du niveau de pauvreté des quartiers.

Après avoir monté des escaliers crasseux, nous arrivons dans un couloir et il nous fait entrer dans un appartement constitué d’une pièce unique, large… de la largeur d’un lit matrimonial, les enfants dormant à même le sol, avec une armoire où s’accumulent valises et effets divers. Une petite cuisine dotée du minimum vital, partagé avec une autre famille.


Nous avons, également, pu voir une autre chambre dans une « maison » constituée de quatre plaques de tôles. Quand il pleut, l’intérieur de la maison se transforme en marécage…

Il en est de même pour les « ruelles » en terre qui sont pratiquement impraticables en période de pluie. Les habitants, surtout les femmes, vaquent à leurs occupations. Les hommes discutent, adossés à un mur, le taux de chômage atteignant 50%. En raison de cette oisiveté forcée, les gangs prospèrent sur ce terrain fertile. Les armes à disposition sont innombrables, la police est inopérante, sous-payée et surchargée. Ces organisations de jeunes gangsters, qui contrôlent des crimes qui vont du simple larcin à la vente de drogue, à l’extorsion et à la prostitution, sont vite devenues des modèles pour des enfants issus très souvent de familles monoparentales et qui se laissent aisément éblouir par les beaux habits, les grosses voitures et les comportements “machos".





Nous avons passé la nuit dans le quartier, chez une habitante qui proposait un « bed and breakfast ». Une petite maison en brique, pour cette dame plus fortunée, à l’intérieur très propre et correct. N’ayant pas prévu un dîner, elle fait venir une de ses amies qui tient un restaurant, puis nous emmène en voiture à 2 kilomètres de là, de l’autre côté de l’autoroute, dans un magnifique supermarché. Le soir nous mangeons chez l’amie qui a pris l’initiative de monter son restaurant (vide, ce soir là). Elle invite même un saxophoniste qui nous joue des airs durant la soirée et l’on a même dansé !
Je leur ai posé mille questions et ai pu découvrir une autre réalité : celle d’une communauté soudée, où quelques initiatives personnelles redonnent du courage à des milliers de pauvres gens. Nous avons été voir ces femmes qui tentent au quotidien de survivre et renverser la vapeur. Elles essaient de monter des groupes de musique ou de théâtre, un moyen d’expression très important, pour une communauté à laquelle l’apartheid avait presque retiré toute possibilité de se faire entendre. D’autres activités culturelles importantes sont liées à des événements de la vie de chacun, comme les mariages ou les enterrements, qui donnent lieu à des cérémonies où la musique et les chants sont le principal moyen d’expression.














Dans les townships on trouve, encore, des shebeens, des stades, des centres communautaires. Les shebeens sont des lieux où l’on peut boire de la bière, qui était, naguère, distillée de façon clandestine par des femmes dont c’était le seul moyen de subsistance. Souvent on peut aussi y manger ou y écouter de la musique, surtout en fin de semaine.
En guise de conclusion, ce fut une expérience riche en émotions et, encore une fois, une leçon d’humilité. Les personnes rencontrées nous ont demandé de parler d’eux, de raconter le peu que nous avons vu et de dire tout l’espoir et l’optimisme qu’ils mettent dans leurs actions quotidiennes pour s’en sortir. Je conseille à toute personne qui visite l’Afrique du Sud de commencer par visiter une township !…
Je termine cette petite expérience vécue par la fin d’un discours de Michelle Obama venue visiter une autre township, celui, bien connu, de Soweto, en juin 2011 :
« Vous pouvez être la génération qui crée des opportunités et qui apportera la prospérité à ceux qui sont oubliés et vous serez de ceux qui feront que la faim n’existera plus sur ce continent. Vous pouvez être la génération qui met fin au SIDA, vous pouvez être la génération qui tient vos leaders responsables d’une bonne gouvernance ! YES WE CAN, oui, vous le pouvez ! »