10/7/2018

Orongo et le Rano Kau (24 mars)

Classé dans: — Brigitte @ 09:35:58

               Le village cérémoniel d’Orongo, au sud de l’île de Pâques, est l’un des sites archéologiques les plus intéressants et les plus spectaculaires de cette île. Le site archéologique est situé dans la partie sud-ouest du volcan Rano Kau, dans une bande étroite entre le bord du cratère qui entoure le lac intérieur et la falaise qui descend presque verticalement sur la mer, en face des îlots Motu Nui, Motu Iti et Motu Kao Kao.

Orongo

                Avant d’arriver à Orongo, la route grimpe jusqu’au bord du volcan où le vent souffle sans relâche. Ce volcan, date de 2,5 millions d’années a un vaste cratère (caldeira) rempli d’eau douce et tapissé à sa surface de petites touffes d’herbes. Selon la lumière du jour, l’eau que l’on peut entrevoir entre ces touffes d’herbes et de joncs prend des teintes colorées allant d’un bleu limpide à un gris foncé. Pierre Loti écrivait à propos de ce volcan : « c’est un Colisée immense et magnifique, dans lequel manoeuvrerait aisément une armée ».

               Rano Kau, ou Rano Kao, est le plus grand volcan et l’un des plus impressionnants des splendides décors naturels que l’on peut admirer sur l’île de Pâques.

Orongo

                                                  Vue aérienne de la face sud du volcan et ses falaises

C’est l’un des trois principaux cônes volcaniques (avec le Poike, le premier, puis le Terevaka, le plus jeune) qui ont donné naissance à ce petit triangle de terre qui est Rapa Nui. Le cratère, qui a une hauteur maximale de 324 mètres, est presque circulaire et se situe dans le sud-ouest extrême de ce triangle, à quelques kilomètres de Hanga Roa.

      Pour plus de précisions sur la formation géologique de cette île, lire un article très clair et bien documenté en cliquant ici

                La formation du volcan est due à de nombreux flux de laves basaltiques, dont les premières manifestations ont eu lieu il y a environ 2,5 millions d’années. À la suite de ces éruptions, d’autres cônes secondaires sont apparus, tels que le Maunga Orito, le Maunga Te Manavai et les trois motus ou îlots situés en face du volcan, tous formées par des laves acides. On peut observer des échantillons de ce type de lave à la surface supérieure des affleurements : obsidienne, fragments de trachyte et autres matériaux pyroclastiques. Le plus précieux de tous est, d’un point de vue archéologique, l’obsidienne, qui apparaît en plus grande quantité sur les deux cônes cités précédemment et dans l’îlot de Motu Iti, principaux lieux d’extraction de cette matière première, qui a servi à l’élaboration de plusieurs objets, notamment des fers de lance, des herminettes de pierre (toki), des grattoirs, les pupilles des yeux des moaï, etc.

L’une des caractéristiques des laves acides est leur teneur plus élevée en silice (SiO2 > 60 %), ce qui provoque des explosions violentes, comme celle qui a eu lieu dans la dernière éruption du Rano Kau, il y a environ 180 000 ans, et qui a donné naissance à l’immense caldeira de 1,6 km de diamètre.

Du côté nord, qui fait face à l’intérieur de l’île, le volcan descend en pente douce pratiquement jusqu’à la piste de l’aéroport de Mataveri, à proximité de Hanga Roa. Cependant, sur son flanc sud et sud - ouest, un fort processus d’érosion marine a contribué en quelques milliers d’années, à la formation des falaises vertigineuses qui atteignent une hauteur de 300 mètres.

Orongo

                              Pour explorer le panorama en très grande taille, cliquer ici (attendre que l’image se charge)

On peut observer une énorme brèche d’une largeur de 400 mètres dans le mur volcanique, nommée Kari Kari, par laquelle la coulée de lave s’est déversée dans l’océan. On pense qu’au fil des années, l’assaut continu des vagues finira par effondrer ce mur fragile qui sépare le cratère de la mer.

La lagune à l’intérieur du cratère

Dans la langue Rapanui, le mot Rano désigne un volcan à l’intérieur duquel de l’eau est stockée, comme c’est le cas pour les Rano Raraku ou Rano Aroi. Le mot Kau a plusieurs significations telles que « abondance d’eau » ou « grand, vaste ». Ainsi, le sens de Rano Kau pourrait être « un vaste volcan avec beaucoup d’eau ». L’accumulation d’eau de pluie à l’intérieur de la grande caldeira du cratère forme un grand lac d’environ un kilomètre et demi de diamètre, dont la rive se trouve à environ 200 mètres sous le bord supérieur. La surface du lac, dont la profondeur est estimée à environ 10 mètres, est couverte, dans une large mesure, par de nombreuses îles flottantes de roseaux totora, que leur faible épaisseur (env. un mètre) rend très instables.

Plusieurs expéditions scientifiques ont extrait des échantillons de sédiments afin d’étudier les différentes couches accumulées au fil du temps. Cette lagune était, jusqu’à une époque récente (quelques décennies), l’une des principales sources d’eau douce pour la population de l’île. Sur une île sans cours d’eau permanents, l’activité humaine s’est développée principalement près des petits lacs intérieurs de Rano Kau, Rano Raraku et Rano Aroi, et près des sources et des petits étangs formés dans les roches volcaniques… L’importance que revêtait l’accès à l’eau, pour ces populations, est démontrée, également, par le fait que tous les dépôts avaient leur nom propre, comme le nom légendaire de ce cratère : Te Poko Uri To Haumaka O Hiva, l’abîme noir de Hau Maka, de Hiva (Hau Maka étant le prêtre du premier roi dont le rêve aurait déclenché l’expédition de celui-ci, après l’envoi, depuis Hiva, des sept explorateurs - voir l’article sur l’Ahu Akivi)

                              Une immense serre naturelle

Orongo

L’intérieur du cratère, avec des murs de plus de 200 mètres, qui le protègent contre les vents forts et favorisent l’accumulation d’humidité, constitue une grande serre naturelle générant un microclimat favorable au développement et à la culture de nombreuses espèces végétales. Ces conditions ont permis la conservation des espèces végétales endémiques ainsi que d’autres, introduites par les colonisateurs polynésiens. Notamment mako’i, hau hau, mahute et marikuru. L’un des derniers spécimens de l’espèce presque éteinte toromiro, un arbuste de trois mètres de haut, a été sauvegardée, ici, lors de l’expédition de Thor Heyerdahl en 1955. Le dernier arbre indigène aurait disparu en 1962, victime du surpâturage des élevages ovins de l’île et, grâce à sa reproduction dans plusieurs jardins botaniques d’Europe, il pourrait être réintroduit dans l’île.

                                                            Orongo

    Moaï kava kava bicéphale de l’île de Pâques en bois de Sophora toromiro, obsidienne et os d’oiseau, Muséum de La Rochelle

Dans les temps historiques, une variété d’arbres et d’arbustes exotiques ont été plantés en terrasses, construites sur les pentes intérieures du volcan. Par la suite, d’autres espèces ont été introduites telles que les avocats, goyaves, bananes, vignes, figuiers, tubercules, etc.

On considère que le manavai, ancien système de culture dans un cercle protégé par un mur de pierre, comme nous en en avons vus ailleurs, par exemple à Akahanga, ont été inspirés par les cratères des volcans tels que le Rano Kau.

Ce grand volcan a, donc, été lié intimement à l’histoire de l’île de Pâques depuis le début (rêve du grand prêtre) puis l’arrivée de ses premiers colons. On raconte, encore, que le premier roi Hotu Matu’a choisit le côté sud-est du cratère pour y passer ses derniers jours après que son épouse, Vakai, eut rendu l’âme. Quand il sentit sa mort approcher, il s’en fut sur le site sacré d’Orongo et contempla avec nostalgie l’horizon, vers l’îlot de Motu Nui, en songeant à son pays natal Hiva

À l’intérieur et à l’extérieur du cratère Rano Kau, des grottes, des pétroglyphes, des fondations de maisons et, même, des restes d’Ahus ont été découverts. Tous ces vestiges montrent que le volcan avait une grande importance dans la vie des colons anciens. Parmi tous ces sites, l’ensemble cérémonial de Orongo se distingue par son emplacement et son importance historique.

Orongo

                         Le village cérémoniel d’Orongo

En bordure du sud du cratère, la crête devient plus étroite dominant la mer de 300 mètres d’un côté, et descendant, de l’autre, abruptement vers la lagune, pour aboutir à une paroi rocheuse allongée qui se termine par une pointe acérée. C’est ici, sur le bord le plus étroit du Rano Kau, que se trouve le village cérémoniel d’Orongo qui a vu naître le culte de « L’Homme Oiseau ».

Orongo

Orongo

Orongo

                    Composé de quelque 50 maisons en pierre elliptiques offrant une vue imprenable sur les trois îles ou motus en face du Rano Kau, ce village était habité uniquement pendant les jours précédant la cérémonie de l’Homme-Oiseau ou Tangata Manu, au cours du mois de septembre, à l’arrivée du printemps quand les différents clans de l’île entraient en lice pour récolter le premier oeuf « sacré » de l’oiseau Manutara afin d’obtenir, ainsi, le gouvernement de l’île. Cette cérémonie religieuse, en l’honneur du dieu créateur Make Make, a eu lieu jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Orongo

Orongo

Cependant, il convient de noter que les premières constructions d’Orongo ne sont pas liées au culte de Manutara. En fait, juste avant le début du village, au bord de la lagune, on peut apercevoir les restes d’une petite plate-forme, où persiste seulement la base au niveau du sol d’un unique moai, et qui aurait pu être utilisée comme un observatoire astronomique pour déterminer la position du soleil. Les premières maisons en pierre d’Orongo semblent avoir été construites vers 1400 apr. J.C. à partir de l’affleurement de roches qui monte vers ce qui serait maintenant le centre du village.

Au fil du temps et, surtout, en raison de la cérémonie de Tangata Manu, 54 maisons alignées sur le bord du cratère ont été construites, formant trois ensembles indépendants face à la mer. Presque toutes les maisons ont été pillées et détruites lors des différentes expéditions européennes et reconstruites à plusieurs reprises au cours des dernières décennies.

Sur les bords du cratère abondent des dalles de basalte laminaires, appelées Keho.

Orongo

C’est ce matériau que l’on utilisa pour construire des murs épais et pleins atteignant 2 mètres de large. Le toit est formé par des dalles plus longues, placées horizontalement sur les parois comme une voûte, recouverte d’autres dalles plus petites. Enfin, le toit était tapissé d’une épaisseur de terre et de pierres sur laquelle l’herbe poussait, donnant la stabilité à la construction et une protection contre les intempéries.

Orongo

Orongo

Les maisons ont un sol de forme ovale avec une longueur variable comprise entre 6 et 12 mètres et une largeur maximale d’environ deux mètres. La hauteur intérieure est de 1 à 2 mètres dans le meilleur des cas, et, dans la plupart des demeures, il est impossible de se lever. Certaines sont reliées entre elles par des couloirs étroits.

L’accès aux maisons est situé à l’avant donnant sur la mer et sa taille réduite, de forme carrée, contraint à entrer et sortir en rampant. C’est l’unique ouverture dans la structure par laquelle peut pénétrer la lumière, de sorte que l’intérieur est obscur et difficile à ventiler, si bien que ces constructions n’étaient utilisées que pour dormir. Ces édifices solides, qui contrastent avec les traditionnelles « maisons-bateaux » du reste de l’île résultent de la nécessité de se protéger des vents violents qui déferlent, en ces lieux. À l’intérieur de quelques maisons, on peut voir quelques peintures rupestres évoquant la cérémonie de Tangata Manu.

L’un des éléments les plus impressionnants du village d’Orongo était un moaï de basalte nommé Hoa Hakananai’a. Ce moai, de 2,5 mètres de haut, est unique non seulement parce qu’il a été sculpté dans le basalte, la matière première la plus dure disponible, mais aussi parce qu’il représente la continuité entre la culture ancienne et le changement qui se produisait.

Orongo

Il apporte, en effet, un lien entre l’ancien culte des ancêtres et le nouveau culte de l’Homme-oiseau. Sa face antérieure présente la forme classique de la période de floraison des grandes statues, mais, à l’arrière, sont gravés tous les motifs représentant la phase suivante : Tangata manu (homme oiseau), ao (pagaie double, symbole de puissance) et Komari (vulve, le symbole de la fertilité). À demi enterré dans l’une des maisons du secteur central, il en a été extrait, en 1868, par l’équipage du navire de guerre anglais Topaze et est conservé, depuis, au British Museum.

                         La cérémonie

                   Chaque famille (ou clan) envoyait l’un de ses hommes représenter son lignage et prendre part à une compétition en vue de prendre la place suprême au sommet de la pyramide sociale de leur peuple. Il s’agissait de dévaler la falaise d’Orongo (300 m), puis de rejoindre Motu Nui (un petit îlot situé à moins de 2 km des côtes) à l’aide d’un flotteur en roseaux (pora), attendre patiemment qu’un oiseau migrateur (le manutara) y ponde un oeuf, trouver cet œuf, puis le ramener jusqu’au village. Il devait donc retraverser le petit détroit jusqu’à la côte et escalader de nouveau la falaise avec cet œuf maintenu sur le front à l’aide d’une bandelette. Le gagnant apportait alors, semble-t-il, le pouvoir à son chef et à son clan jusqu’au printemps suivant où tout se rejouait.

On se rend compte, sur ces images et schémas, de la difficulté de la chose !…

Orongo

Orongo

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L’homme-oiseau, qui incarnait, alors, sur terre, le dieu Make-Make devait se raser le crâne et, soumis à de sévères interdits en raison de son caractère sacré, vivre seul, ensuite, dans une maison pendant 5 mois, et se débrouiller pour sa survie. L’œuf était, finalement, vidé et suspendu dans la maison de l’homme-oiseau. À sa mort, on lui attachait un coq vivant à chaque doigt de pied, puis on les détachait. Le brouhaha, l’envolée de plumes multicolores évoquaient alors l’envolée de l’esprit immortel du défunt. Sur le lieu de sépulture, les ossements étaient enfouis devant l’ahu, puis étaient déterrés durant une grande cérémonie de purification des os avant d’être remis en terre.

Orongo

Orongo

                    Après un adieu à ce magnifique volcan, nous quittons Orongo pour aller visiter Vinapu, avant de rendre la voiture qui nous aura permis de naviguer au fil des chemins quelque peu défoncés de l’île…

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