16/2/2008

ANGKOR… Un peu d’histoire

Classé dans: — Brigitte @ 17:45:34

                    Je ne ferai qu’un survol rapide de l’histoire, évidemment, des livres entiers ayant été écrits à ce sujet ;-) :

                    Angkor, dont le nom est une forme du mot nokor, dérivant du sanskrit nāgara, « résidence royale », est l’ancienne capitale de l’Empire khmer qui prospéra du IXe au XVe siècles.

                    Les premières constructions connues, dans la région, comme les premiers documents écrit, datent du VIIe siècle. Ils témoignent de l’existence de communautés centrées autour des édifices religieux, avec une coexistence de cultes bouddhiques et brahmaniques. En l’an 802, Jayavarman II arrive au pouvoir, qui unifie progressivement les principautés rivales. Il institue un culte royal dont l’idole est un linga situé au sommet du mont Phnom Kulen qui assure magiquement l’unicité et l’indépendance du pays sous l’égide du monarque. Cette légitimité politico-religieuse du roi sera renforcée par ses descendants, notamment son successeur Indravarman, lequel crée, entre autres, un système hydraulique complexe alimentant un grand réservoir (le baray) de 3,8 km de long sur 800 m de large et permettant de canaliser l’eau vers des douves entourant les temples Preah Ko et Bakong, images des “océans” entourant les “continents". Le Bakong est le premier temple-montagne, configuration caractéristique de la cosmologie hindouiste, adoptant une symbolique du mont Meru, séjour mythique des dieux, en cinq niveaux concentriques hérissé de 109 tours.
Au cours des siècles suivants, cette innovation contribue à l’ascension rapide de l’Empire et l’on assiste à un développement d’un type particulier de cité agraire: la cité hydraulique. Des travaux gigantesques sont entrepris, singulièrement par Yaśovarman, fils d’Indravarman à qui l’on attribue la création d’Angkor. Parallèlement, une évolution se fait jour, dans les arts, où l’on discerne de nouvelles influences, notamment javanaises; les poses se font moins flexueuses, plus hiératiques.

                     Pendant le Xe siècle, les nombreux temples fondés par des dignitaires à travers la plaine témoignent de l’extraordinaire rayonnement de la cour. C’est à cette époque qu’apparaît - fait unique - dans l’épigraphie l’histoire du Cambodge présentée sur fond de mythe : le peuple Khmer serait né de l’union de Kamvu (ascète “né de lui-même") avec Mera, l’apsara primordiale, mythe témoignant d’une unité de la civilisation puisque faisant état d’une origine semi-divine des Khmers. Après une période d’instabilité, Suryavarman Ier usurpe le trône et c’est alors qu’Angkor déborde ses propres limites spatiales pour revêtir une dimension plus large, celle d’une civilisation à part entière. Il construit le plus grand baray connu (le baray occidental, de 8 km sur 2,1 km) et bâtit des temples dans les provinces proches ou lointaines.

                     Le temple-montagne bâti par Suryavarman II, qui vint à régner en 1113, est nommé Angkor Vat (vat ou wat veut dire temple) depuis le XVIe siècle (auparavant, on l’appelait : Preah Pisnulo). Par sa taille, l’harmonie de ses proportions, sa perfection architecturale et artistique, il a, de toute évidence, nécessité pour sa construction d’énormes moyens et une technique extraordinairement sophistiquée. Construction qui semble, du reste, avoir pris fin à la mort du roi, laissant des bas-reliefs inachevés.

                                             Angkor en 1866
                                                                                     Ankor Vat en 1866 (photo E. Gsell)

                      Dans la seconde moitié du XIIème siècle, Dharanindravarman II devient le premier roi bouddhiste d’Angkor. Règne court : Angkor va subir un coup fatal en 1177 : la capitale est pratiquement détruite par les Chams et, très vite, le complexe tissu urbain d’Angkor perd de sa cohérence. La chute de la capitale remet indubitablement en question l’efficacité et la viabilité du système, tout spécialement sa dimension brahmanique. C’est peut-être pour cela qu’en 1181, remportant la victoire sur les Chams, le nouveau souverain, son fils, Jayavarman VII, fait du bouddhisme Mahayana la religion de l’empire reconquis. L’iconographie de ces temples nous présente le bodhisattva Lokeçvar sous son aspect de guérisseur, et nombre d’ouvrages à caractère social, comme des hôpitaux, des gîtes d’Etat témoignent concrètement de l’engagement religieux du souverain. Lequel, par ailleurs, se révèle être un urbaniste exceptionnel, redessinant les plans de la capitale et délimitant, par une imposante muraille en latérite bordée de douves extérieures, une vaste zone, qui va devenir la capitale symbolique et spirituelle du pays : Angkor Thom qui va s’enrichir d’un nouveau temple, pivot central de la ville, le Bayon, temple-montagne du roi. L’ensemble d’Angkor Thom est conçu comme une illustration en trois dimensions du mythe indien de la création du monde par le barattage de la mer de lait ; ce mythe de régénération éternelle, représenté diversement tout au long de l’art khmer, trouve ici son expression la plus concrète et la plus spectaculaire.

                       Angkor vue satellite
                                                                         Vue satellite d’Angkor

                        Un autre type d’ouvrage hydraulique se répand, constitué d’une série d’arches en pierre construites en travers d’un cours d’eau et servant à la fois de pont ou de barrage selon les cas. La multiplication de ces constructions favorise une redistribution des énergies… laquelle aura tôt fait de provoquer une décentralisation de l’autorité. Pour beaucoup, ce phénomène représente un signe et, peut-être, une des causes du déclin d’Angkor par la suite. Ce règne voit aussi une innovation marquante dans l’art statuaire : au lieu de représenter les personnages historiques sous les traits iconographiques de la divinité de leur choix, désormais, les statues du roi, de son épouse, voire d’autres membres de sa famille, sont sculptées de manière réaliste. Plus encore, c’est la divinité qui prend forme sous les traits du roi et non l’inverse. C’est la fusion mystique des dévots dans leurs dieux…

                        plan d'Angkor
                                                                         Plan d’Angkor

                         Angkor prospère encore pendant tout le XIIIe siècle mais les rois successifs se contentent de réparer ou d’apporter des additions mineures à la cité. Le retour au brahmanisme s’accompagne d’une transformation iconographique importante (mais non systématique) : les statues du Bouddha sont bûchées et resculptées en lingas, nombre des monuments bouddhiques sont transformés en lieux de culte brahmaniques et les éléments iconographiques bouddhistes sont défigurés. Malgré ce retour, le bouddhisme s’étend de plus en plus dans la population, en harmonieuse coexistence, du reste, avec les sectes brahmaniques, pour supplanter, dans le premier quart du XIVe siècle, le brahmanisme comme religion du peuple mais aussi de la cour. En termes de civilisation, l’empire angkorien tire , alors, vers sa fin. le premier royaume Thaï de Sukhotaï devient la force dominante de la région…

                         En adoptant le bouddhisme Theravada, la monarchie s’aliène la base idéologique sur laquelle elle avait bâti sa puissance. La hiérarchie brahmanique s’estompant, le peuple ne joue plus son rôle de soutien collectif du culte royal. Or, l’efficacité du système hydraulique angkorien dépendait de l’intense travail collectif sous-tendu par l’idéologie brahmanique. D’autre part, les attaques répétées lancées contre Angkor par l’armée siamoise pendant les XIVe et XVe siècles contribuent fortement au déclin de l’empire dont les raisons restent multiples et complexes. Sous ces pressions, l’harmonieux rapport entre croyances religieuses et labeur physique, nécessaire au maintien de la lourde infrastructure angkorienne, perd de sa vigueur. L’échec général du système se traduit finalement dans une défaite militaire totale. En quittant Angkor en 1431 ou 1432 après le dernier siège siamois, la monarchie khmère laisse derrière elle une cité agraire qui a vu disparaître sa cohérence interne et dont l’abandon marque le déclin de sa civilisation.

                          Bien qu’Angkor fût abandonnée en tant que capitale la région continua d’être habitée jusqu’à l’époque moderne. La durée de l’occupation siamoise fut courte mais la proximité de cette armée empêcha la monarchie khmère d’installer un pouvoir central viable en ce lieux, excepté pendant la seconde moitié du XVIe siècle (roi Ang Chan). Angkor, abandonnée comme capitale, vit sa démographie chuter, ses infrastructures bloquées. La forêt la regagna en grande partie. Plusieurs sites furent entretenus mais cette fois dans le contexte Theravadin. Dans Angkor Thom, le vestige le plus remarquable de l’expression bouddhique est sans conteste le Baphuon : les artisans de l’époque moyenne transformèrent toute la façade occidentale du deuxième étage en un Bouddha couché entrant au nirvana, long de soixante mètres. Angkor Vat, tout au long de son histoire, a toujours été le siège d’un culte. À la fin du XVIe siècle, Angkor fut de nouveau abandonnée en tant que résidence royale, bien que toujours habitée et lieu de pélerinage bouddhiste.

                           Déjà connu des voyageurs chinois au XIIIe siècle, signalé par des commerçants et missionnaires européens aux XVIIe-XVIIIe siècles, le site d’Angkor est redécouvert au siècle suivant par le Père Bouillevaux, des Missions étrangères, qui le visite un jour de décembre 1850. Mais ce sont les descriptions et croquis du naturaliste français Henri Mouhot, mort sur place en 1861, qui lui assurent sa renommée définitive auprès du public. En 1866, la mission conduite par Doudart de Lagrée, partie reconnaître le Mékong et rechercher une route mythique par ce fleuve vers la Chine, fait halte à Angkor et y inventorie les principaux monuments. À partir de 1898, l’Ecole française d’Extrême-Orient fondée par Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine, engage une œuvre considérable à Angkor, dégageant les monuments de leur gangue de broussaille, les protégeant de l’humidité et des termites, les restaurant par le procédé de l’anastylose (relèvement d’un bâtiment avec les matériaux et méthodes spécifiques au bâtiment et l’emploi discret de matériaux neufs), les interprétant et les inventoriant. Les années de guerre 1970-1980 ont gravement porté atteinte à Angkor en laissant libre cours aux pillages et trafics d’œuvres d’art, mais à la faveur du cessez-le feu de 1991, les archéologues ont réinvesti le terrain. Aujourd’hui, la France participe activement, au sein d’un comité international, à la sauvegarde du parc d’Angkor, classé depuis 1992 Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.

                  

1 Commentaire »

  1. Petit quart d’heure culturel passionnant ! 1) Tu as de la matière pour faire une confèrence. 2) J’ai l’impression que tu serais bien restée plus longtemps… Bizz GG

    Comment par gerard courtecuisse — 19/2/2008 @ 11:09:21

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